11 – Goumois – Visite au chevet d’une rivière malade

Samedi, j’ai rendu visite à une de mes rivières de
prédilection : le Doubs sur la Franco Suisse.

Bien occupé cette année à traquer les truites sur d’autres
cours d’eau, j’avais négligé jusque là cette rivière sur le mythique parcours
de Goumois.

Je pense qu’il est inutile de présenter un parcours aussi
réputé. Ce parcours fait parti de la petite histoire de la pêche à la mouche en
France. Je souhaite seulement qu’il ne s’agit désormais pas d’histoire ancienne
et figée.

Il y aurait de multiples raisons d’aimer cette rivière.
Chacun à les siennes. Je l’aime en tout
premier lieu pour ses ambiances. C’est une rivière chargée. La vallée semble
parfois raisonner des légendes et
histoires fameuses qui ont construit sa réputation. Je connais peu de lieux en
France qui soufflent autant la pêche et sa magie. Le Doubs, aux alentours de
Goumois, est une célébration de la pêche à la mouche dans un décor somptueux.

Crédit photo: Francis Colnet

J’entends souvent les pêcheurs se plaindre sur la difficulté
des truites de Goumois. « Ces truites sont devenues impéchables! J’y vais
plus !» Ces lamentations me surprennent. Ces truites n’offrent-elles
pas l’occasion rêvée de progresser à la mouche ?

Et pourtant, ces mêmes truites ont bien du mérite. Si en
compagnie de mon camarade Francis le temps en leur compagnie (relative,
fragile, incertaine, ponctuée d’échecs, de refus, de décrochés et la prise de
poissons ayant encore le temps de grandir) la journée fila vite, cette sortie
me laisse un goût très amer.

En un mot : le Doubs est malade. Bien sur, ce n’est pas
nouveau. Je n’invente pas la poudre en l’affirmant mais, cette année trop de
signes interprétés me font redouter le pire en court terme pour cette rivière
d’exception.

Regardez cette photographie. Voici à quoi ressemble le fond
du Doubs depuis plusieurs années dès que le courant amorce un débit plus
faible. Hier, l’eau était à 17°. Tandis que les algues prolifèrent, les ombres
voient leur population nettement clairsemée.
Deux cadavres de truites, un cadavre d’ombre, un ombre vu avec une
furonculose à la place de l’Å“il, un ombre pris avec de sinistres protubérances
sur les flancs, des courants encore occupés l’année dernière, vides hier. A la
place quelques barbeaux. La Verrière ? Un désert colmaté. Bien sur, je
n’étais présent qu’hier, mais j’ai vu trop de signes…

Le Doubs meurt à petit feu et le processus s’accélère.

Il reste des truites, de l’ombre. Ok, pas de problème. Jusqu’au
dernier certains n’hésiteront pas, ne verront rien, ne diront rien. Les
congélateurs peuvent encore se remplir : « Si ça ne va pas à la
mouche, j’essaye à la vaironnée ». Entendu hier. Le vairon à toutes les
sauces, ça fait aussi parti du sport et ce n’est pas pour rigoler. C’est du
rentable.

Crédit photo: Francis Colnet

Les mots sont inutiles pour décrire ces photographies. J’ai
honte : pays moderne et civilisé, pays de progrès humaniste et d’art de
vivre, pays de tourisme et de culture.

Alors qui sont les coupables ? C’est pratique de le
savoir : ça donne bonne conscience.

Coupables : L’agriculture qui pollue les nappes,
les politiques locaux qui ferment les
yeux sur le problème, nos gouvernements qui se foutent des questions
environnementales mais savent très bien les récupérer pour leur communication,
EDF…

Et nous pêcheurs, pas coupables ? Nous
serions donc les victimes, les orphelins, les opprimés… pauvres pécheurs.

Nous sommes aussi responsables de cette situation. La pêche
est devenue un loisir de consommation : je prends, je jette. Un coup à
droite, un coup à gauche : « Bon, c’est vrais c’est moins marrant le
réservoir ou Pescalis mais quoi, je pratique le no kill sans ardillon, c’est
fun. Les ombres au printemps ? Idem, je pratique le no kill, je les
vaccine même ! Une rivière se crève ? Y a des pays où les gens
sont moins cons ou, tout simplement, y a pas de gens, là je fais un carton, ça
a de la gueule de poser devant un tableau de saumons !»

Oui, le Doubs se crève (je n’ai pas encore été voir la Loue,
« Perle » de la Franche Comté…) dans l’indifférence de la plupart
d’entre nous. Nous sommes responsables et coupables par omission et
absentéisme. Nous nous taisons, nous acceptons. Nous sommes résignés.

Je n’accepte pas de voir l’évolution de cette rivière. Dans
dix ans, sauf prise de conscience radicale, le Doubs à Goumois n’abritera plus
que des cyprinidés. Il sera devenu un désert salmonicole. C’est révoltant.

Nous ne pouvons pas l’accepter mais que pouvons nous y faire ?
Je pense qu’il est de notre devoir de se sentir impliqué et concerné par cette
situation. Déserter le parcours et fuir la réalité n’apportera rien. Assister à
l’assemblée générale de la Franco Suisse serait déjà un premier pas. Il est
impératif de soutenir et développer de nouvelles démarches protectionnistes. Les
tailles minimums de capture doivent être rehaussées. L’ombre devrait être
protégé, soit par la graciation ou par une fermeture temporaire exceptionnelle.
Nous devons arrêter de nous comporter en simple consommateur mais nous engager
et faire masse.

Alors que la Loi sur l’Eau vient d’être votée, pourquoi ne
pas inviter les députés locaux à mettre le nez dans le cloaque du Doubs ?
Si le Doubs est pollué dès sa source, c’est bien que les nappes sont pourries.
Il s’agit donc d’un problème de santé publique. De même, l’embryon de structure
économique tournée vers le tourisme pêche en Franche Comté ne vivra pas
longtemps sur les campagnes de communication.

Ainsi, seule deux voies sont envisageables pour sauver le Doubs : se responsabiliser
et minimiser son impact individuel en terme de prélèvement et jouer la carte du
lobbying auprès des politiques avec l’ensemble des structures liées au tourisme
autour du Doubs. Tous les moyens doivent être employés afin d’exiger le
rétablissement à long terme de la qualité des eaux du Doubs.

L’assemblée générale de la Franco Suisse aura lieu le samedi
28 octobre 2006 à 14h
à la Mairie de Damprichard.

12 commentaires.

  1. je suis tout à fait d’accord avec cet article, je suis d’origine de la région etz suis écÅ“ur. On a vue en 2010 les conséquences dramatiques,les poissons se font de plus en plus rares et très malades et le peut qu’ils restent les pêcheurs les mangent…réfléchissez un peut Messieurs car si cela continue il n’y aura plus de parcourt à truite dans la région…je suis dégouté mais bon cela me permet d’organiser des séjours à l’étranger ou la vision de la pêche est complètement différente mais je pense que l’on peut plus rien faire cet fois,vraiment un désastre de voir cela.
    Samuel Margillet
    guide de pêche professionnel

  2. Goumois que j’ai découvert est un endroit magique, féerique, mais menacé, je l’ai vu également… Je souhaite de tout coeur que la tendance s’inverse même si l’actualité reste sinistre quand on entend qu’EDF vient d’obtenir l’autorisation du gouvernement de rejeter des eaux au delà des limites de températures mortelles, bonjourl’eutrophisation….Tu
    as raison ,Pierrick, il y a quelque chose de pourri dans le royaume de l’eau…Et pourtant, encore une fois, Goumois c’est vraiment un endroit d’exception qui respire une atmosphère particulière, dans ses rives, ses arbres, ses eaux…I had a dream… cats and dogs games

  3. Spell power will also be gone from pretty much everything other wow gold than weapons. To me this will make caster gear feel kind of hollow as so much will be based on Intellect the stats display could look pretty bare. However leaving it on weapons allows wow po some pretty big bonuses if they choose on one of the most important slots for a caster.

  4. C’est une idée à développer sous réserve d’en parler auparavant aux responsables de la Franco suisse. Merci!

  5. Merci Sussu pour ton message.
    Je suis persuadé en effet que nous pourrions obtenir des résultats avec l’élan que tu décris. Il y a beaucoup à faire mais il faut y croire.
    Je serai à l’AG de la Franco Suisse. J’observerai ce qui s’y passe pour apprendre et me proposer.
    Ce qu’il y a de ceratins est que je ne peux accepter ni me résoudre à voir de si belles rivières mourrir.

  6. Oui, comme tu le dis, nous sommes tous responsables de cette dégradation.
    Le problème est que chacun d’entres nous tente une, sa solution et il n’y a aucune cohérence entre chaques parties.
    La seule solution est la cohésion de ces parties, et là… il y a du boulot.
    Inviter les politiques, le préfet, le conseil général, les députés, les maires des communes concernées, les organismes de l’eau etc, est une bonne idée; leur mettre le nez dans la me.de peut les faire réfléchir.
    Nous avons vu le résultat pour l’incident du barrage de Tuilières, nous n’aurions rien fait, je pense et je suis certain que nous n’aurions pas eu les avancées qui ont été décidées.
    L’engagement, la volonté et la patience sont les maîtres mots pour faire avancer les choses.
    Courage ! Se battre en vaut la peine.

  7. j’habite depuis peu près dela Biennne (jura) en dessous de saint claude ;et cette rivière si magnifique au printemps et qui abrite encore des poissons stupéfiants charrie des masses d’algues gluantes et dégage une odeur… dès que l’eau se réchauffe .
    les causes : -pas de station d’épuration efficace à saint claude qui est en plus un bassin industriel non négligleable
    -rejets agricoles en tout genre
    -microcentrale
    l’autre jour je vais avec un ami sur le parcours de chassal ou nous voyons de magnifiques spécimens en ativité ,nous descendons dans le lit et nous voyons un long tuyau provenant de je ne sais ou et rejetant un liquide dégueulasse;
    que dire ?que faire ?c’est la question qui revient en boucle .
    Si l’on rajoute à celà la mentalité de beaucoup de pêcheurs du coin et la gestion des assoc locales j’ai du mal à être optimiste pour l’avenir proche

  8. Le constat est amère, voir ce cours d’eau mourir à petit feu est attristant mais si révélateur d’un état de dégradation généralisé des rivières dans notre « beau » pays.
    Je suis affligé par la tournure des évenements…
    Certes il est indispensable que les pêcheurs se mobilisent pour sauver ce parcours, mais c’est en modifiant nos habitudes de consommation au quotidien que l’on pourra
    espérer inverser la tendance.
    J’en connais qui se frottent les mains…

  9. Oui, Bleuvague nous ne pouvons plus nous permettre d’assister au spectacle désolant du Doubs sans agir. Je serai cette année à l’AG. Gobages pourrait permettre en effet de renforcer un peu les troupes. Ce serait pas mal même si je ne me fais pas trop d’illusions sur le nombre de personnes qui feront le déplacement… C’est une bonne idée.

  10. A peine terminées tes lignes résonnent en moi comme un cri bercé d’angoisse. Il est vrai qu’au fil des années je vois moi aussi mourir peu à peu ce diamant qu’est le Doubs.
    La bêtise des hommes fait peu à peu regretter ne pas être une poisson.
    Il m’est venu une idée folle… Ne pourrions pas rameuter à l’aide de Gobages tout ceux qui pêche même occasionnelle à Goumois. Leur demander de prendre leur permis et débarquer en force des quatre coins de l’hexagone le 28 octobre à l’assemblée Générale. Imagine un peu…

  11. Goumois que j’ai découvert est un endroit magique, féerique, mais menacé, je l’ai vu également… Je souhaite de tout coeur que la tendance s’inverse même si l’actualité reste sinistre quand on entend qu’EDF vient d’obtenir l’autorisation du gouvernement de rejeter des eaux au delà des limites de températures mortelles, bonjourl’eutrophisation….Tu
    as raison ,Pierrick, il y a quelque chose de pourri dans le royaume de l’eau…Et pourtant, encore une fois, Goumois c’est vraiment un endroit d’exception qui respire une atmosphère particulière, dans ses rives, ses arbres, ses eaux…I had a dream…

Commentaires clos.