9 – Ombres de la Gimån 11 au 18 juin 2006

Les paysages et les espaces se fondent dans ma mémoire.
Quelque part, l’eau bruisse, les oiseaux lâchent leurs cris dans l’immensité
silencieuse de la forêt, le vent caresse l’onde dans laquelle glisse de grands
salmonidés.

Quelque part, une mouche artificielle dérive dans une
impeccable disposition. Les éclairs
d’argent fusent et peinent à se livrer avant de revivre et poursuivre leur
mystérieuse évolution. La vie bat son plein, loin de la vie factice du monde.

Je ferme les yeux et retourne à la pêche, incessamment, dès
que je le peux. Devant moi l’eau chante, le temps n’existe plus. Les souvenirs
s’avivent.

Ainsi sont les voyages de pêche, moments exaltants, instants
toujours trop courts volés au temps. La
rivière est mon Amie. Je la connais. Je l’aime et la vénère.

Storselforsen – Je m’amuse à répéter le mot. C’est
l’évocation qu’il me procure qui m’enchante. Il y en a d’autres, à d’autres
lieux, connus ou encore inconnus de moi: Srednia Wies, Kaïtum, la
Verrerie…

Ainsi, Storselforsen, Storselforsen… Des coups comme celui
là, j’y resterai des journées. Il y a le grand lisse en amont d’un ouvrage en
pierre, des pools, des radiers, des rapides, de grands blocs de pierre, un
début de lac. Les ombres marquent leur présence en surface ou restent
mystérieux dans les veines les plus profondes.

La rivière se déploie généreusement, toujours claire,
toujours puissante mais aussi abordable. Elle est perdue dans la magnitude
forestière, retirée et habitée.

Storselforsen, Storselforsen…

Pêcher à la
mouche en Laponie, c’est pêcher la nuit et boire du café ! C’est admirer la lumière toujours changeante, profiter du
regain d’activité des insectes.

Le ciel rougeoie et le temps se suspend dans un couché de
soleil qui dure la moitié de notre nuit. C’est le moment des grands poissons
mais aussi des casses mémorables…

Les spots de pêche se succèdent comme autant de livres à
lire et découvrir. Cela donne parfois le sentiment de survoler. J’aime comprendre une rivière. C’est autre chose
que de consommer. Chaque spot ayant ses particularités, il faut beaucoup
d’attention et un sérieux sens de décryptage pour comprendre en un temps
réduit.

Mais les signes et le vocabulaire restent les mêmes. Des
situations vécues et rapprochées sont autant de prétextes et perspectives pour
s’y retrouver et capturer de vrais poissons.

Les
ombres de la Gimån sont des poissons pugnaces et combatifs. La Gimån est une
rivière froide dont les eaux poussent avec puissance. Afin de dresser les plus
gros ombres, une pointe en 16/100° est recommandée. Toutefois, sur le parcours
no kill de Gimdalen, j’ai exercé avec une longue pointe en 12/100° en raison
d’une certaine sélectivité des plus beaux poissons. Le dressage de ces poissons était particulièrement grisant. Chaque
courant est exploité. Les coups de tête, les sauts, les départs en flamme provoquent
un dressage serré éprouvant. Il
me semblait parfois avoir touché de gros barbeaux plus que des ombres tant leur
défense était lourde et difficile à contrôler. Le plus gros poisson m’a fait
descendre une zone de rapide et me faussa compagnie me laissant complètement
groggy – Voir récit.

La GimÃ¥n est une rivière à ombres dominant. Toutefois,
certains secteurs permettent une pêche spécifique de la truite fario ou
lacustre. Les truites ont une robe dorée soutenue ponctuée de superbes points
noirs. Remarquez la gueule particulière
des gros ombres.

Certaines rencontres sont moins prévisibles… Les lacs qui ponctuent la rivière sont des hauts lieux du brochet. Ils se retrouvent ainsi naturellement dans les courants.

Le parcours catch and release de Gimdalen est un passage
obligé lorsque l’on pêche la GimÃ¥n. C’est dans ce parcours que se trouve la
densité la plus importante en gros ombres (jusqu’à plus de deux kilos).

L’amont du parcours est constitué de rapides sur un
fond torturé de roches. L’aval est plus calme. La rivière est large mais les
secteurs propices sont lisibles et découpés en veines profondes. C’est un
parcours à pêcher en sèche. La nymphe à vue s’avère délicate mais sans doute
que les niveaux bas de fin de saison rendent cette technique plus abordable.

J’ai aimé pêcher ce parcours avec un long bas de ligne avec
des mouches fines et délicates. Cette
méthode m’a réussi et m’a permis de prendre et relâcher plusieurs ombres soit
des bébés de 40 cm et des tout gros aux alentours de 50 à 56 cm. Le plus grand
poisson a été capturé dans les rapides. Je n’ai toutefois pas pu prendre ses
mensurations.

Je n’ai pas touché de truites sur ce parcours. Je pense que
la prospection méthodique en nymphe au fil de la zone de rapide m’aurait permis de découvrir une de ces
merveilleuses truites brunes…

La contemplation de la GimÃ¥n après la prise d’un beau
poisson était un moment savoureux. Rien
d’autre ne comptait que la rivière, l’écrin de forêt et la montée d’un grand
ombre.

Je vis la pêche dans la solitude. Pêcher seul me garanti ce
contact intime et étroit que je recherche avec la nature et la rivière. Mais
pêcher est une fête. L’échange convivial qui suit une journée de pêche est un
instant que je ne ratterai pour rien au monde.

Nous avions comme Maître organisateur, un virtuose du Piano.
Je nomme Gatti. Outre sa connaissance des lieux de pêche, son amour sincère de
la pêche et des rivières, notre guide s’est dépensé sans compter pour nourrir « sa »
tribu disparate de pécheurs. L’organisation
du séjour a été impeccable. Pas plus tôt arrivés au lieu du camp que les agapes
commençaient…

Les soirées ont toujours été conviviales et simples. Pas de faux-semblant,
mais une ambiance bon enfant passée à refaire sa journée et rêver de la
prochaine. Ainsi, c’est avec discrétion et talent que notre guide a managé l’équipe
avec ses contradictoires revendications : « Bon, Gatti, on se fait les
chutes aujourdhui ! »

Il m’a été particulièrement sympatique de voir avec quelle
satisfaction et attention Gatti se préocuppait des résultats de chacun. Le
succès de ceux pour qui la journée de pêche avait été plus difficile le
contentait autant qu’eux. Sa simplicité
et son attention ont été un des moteurs de la réussitte de ce séjour. Qu’il en
soit remercié.

Le temps s’est refermé sur les souvenirs. La GimÃ¥n a désormais rejoint mon Panthéon personnel des rivières où il fait bon poser ses mouches.

L’eau court toujours et, sans doute, a poursuivi sa descente
depuis notre départ. Les insectes dansent et s’ébrouent au dessus des rochers. Quelque part, sûrement, une main agite la soie
au dessus des grandes veines d’eau. Les ronds dans l’eau s’enchaînent et nous
rendent avides…

Pour tout renseignement concernant l’organisation
d’un séjour sur la GimÃ¥n, n’hésitez pas à contacter Claude Gatti au 01 58 64 09
04. Des formules « sur mesure » ou en groupe d’amis peuvent être négociées.

La période de pêche s’étend sur 3
mois de juin à fin août. La fin du mois de juin est particulièrement propice. De nombreux lacs
sont naturellement traversés par la GimÃ¥n. Cette particularité garantie des
niveaux stables mais aussi plus longs à réagir dans les deux sens. Les lacs
faisant tampon, les eaux restent à priori claires mais sur un fond sombre ne favorisant
pas la nymphe à vue.

Dernière photo: Marc Roiron

14 commentaires.

  1. Je savais que je faisais un peu de ton voyage,mais j’aurai bien aimé être avec toi sur ces magnifiques rivières.Superbes photos et belles histoires de pêche. Les revues halieutiques feraient bien de s’en inspirer.Amitié de ton vieux complice en nageoires.742

  2. Je ne trouve pas les mots devant un tel recit mais surtout d aussi belles photos.
    je me voyais deja au milieu de la riviere…
    Respect

  3. Bravo !! Superbe récit… Ca donne vraiment envie d’aller y faire un tour… :o)

  4. Merci Pierrick tu viens de m’ inviter quelques instants à une évasion en Laponie
    Avec un peu d’ imagination et des souvenirs de pêche plein la tête il n’ est pas difficile de se voir à ta place en Laponie en lisant ton article divinement écrit.

  5. Ton reportage ma carrement fait rever, les ombres ont l’air d’etre sacrement taquin et joueur.
    Superbe photo les paysages sont splendide.

  6. Tres jolies photos et belle plume…
    Comme Barbe Rousse ces nuits sans fin et ces ombres immenses me rappellent a eux!!!
    Merci!

  7. c’est inhumain de mettre de telles ombres en photos,
    quelle souffrance.
    non Pierrick tu reste tel quel un véritable ami de la nature et de la vie…….
    (j’adore la photo noir et blc du début ,elle est grandiose.

  8. Bel esprit que celui qui t’anime ! Ainsi tu fais tienne la pensée d’Hoderlin : habiter la terre en poète !
    Bravo et merci

  9. Merci pour ce splendide reportage, le texte et les images sont magnifiques…bravo beaucoup de talent… je suis bien d’accord avec Pesc

  10. Chapeau l’artiste !!
    j’adore cette phrase qui résume je pense le personnage que tu es !
    « Ainsi sont les voyages de pêche, moments exaltants, instants toujours trop courts volés au temps. La rivière est mon Amie. Je la connais. Je l’aime et la vénère. »
    superbe bravo encore

  11. Alors cette émergente avec exuvie ?
    Superbe et envoùtante lumière de solstice
    Des ombres de ce calibre dans ces flots… Merci

  12. c’est la grande classe !!
    ca n’a rien a envier au recit que l’on trouve dans les magazines !!
    BRAVO !!!!

  13. J’attendais avec impatience tes clichés, et le récit de ce magnifique séjour.
    Que cette lumière et ces ombres hantent mes nuits…
    Les clichés se marient admirablement à ton récit.
    En un mot, sublime

Commentaires clos.